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Il était une fois des villages autonomes – Saint-Jean-Port-Joli (suite) novembre 2023
par Journal L'Attisée le 2023-11-19


Cordonneries

Léandre Desrosiers (1824-1917) exerce le métier de cordonnier dans sa maison sise à l’est du village près du fleuve (129, de Gaspé Est) et construite peu de temps avant son mariage (1847). Elle comporte neuf pièces sur deux étages habitables en plus d’une cave basse inutilisée et d’un grenier. L’atelier original est situé dans une petite chambre au second étage et la clientèle y accède par un escalier dans la cuisine. N’ayant pas d’enfant, Léandre adopte son neveu Louis Morency après le décès de son père vers 1869. Il lui apprend le métier de cordonnier alors que Louis fréquente encore l’école. Ce dernier n’exerce pas à temps plein tout de suite ; il a le goût de l’aventure. À l’âge de 15 ans, il s’amène sur la Côte-Nord pour pêcher la morue et reçoit un salaire de 15 $ par mois. Il épouse Philomène Fortin, fille de Vénérand et de Virginie Bernier, à Saint-Jean-Port-Joli le 7 août 1883. Il fabrique alors des chaussures et des harnais. Deux de ses fils s’initient au travail de leur père, mais trouvent difficilement du travail dans le domaine.

Maison des cordonniers Morency en 19301

Léandre Desrosiers et Louis Morency passent quotidiennement de nombreuses heures dans leur boutique, ils ont pris soin de l’aménager pour qu’elle soit à la fois sympathique, agréable et fonctionnelle. Pour profiter au maximum de l’éclairage naturel, ils ont installé leur outillage à proximité des trois fenêtres où il y a deux bancs de travail. Un autre coin de la boutique est destiné aux villageois qui se rassemblent tous les après-midis entre 1 heure et 4 heures. Ce coin est aménagé comme un salon et meublé d’un canapé, de trois chaises, d’une berceuse et d’une petite table. Les vieux de Saint-Jean aiment occuper leurs loisirs en se rencontrant ainsi dans l’atelier du cordonnier pour parler du bon vieux temps ou discuter des évènements survenus dans le village. Pendant que l’artisan travaille, ils prennent quelques fois plaisir à se raconter des histoires, mais lorsque Louis Morency les trouve trop grivoises, il s’empresse d’offrir des pommes à ses visiteurs pour qu’ils « se changent les idées ». Les après-midis passés dans la boutique ne sont sûrement pas ennuyants. Souvent le cordonnier se joint à ses visiteurs pour jouer une partie de dames ; parfois aussi, on invite Servule Desrosiers ou Odilon Ouellet à apporter leur violon et à jouer quelques morceaux. Dans la soirée, la plupart de ces vieux se retrouvent de nouveau au magasin général où le marchand fait la lecture du journal.
Le métier de cordonnier est peu rémunérateur ; Louis et son épouse doivent y faire énormément d’heures supplémentaires pour assurer la subsistance de leur famille. La fabrication d’une paire de « bottes sauvages », rapporte entre 0,50 $ et 3 $ selon l’époque et, selon que le client fournit ou non son cuir. Pour poser une pièce de cuir sur une chaussure, Louis ne demandait habituellement pas plus de 0,05 $ et un client qui voulait faire teindre ses souliers ne payait que 0,15 $ ou 0,20 $.

Gaudias (1886-1971) demeure avec ses parents et travaille dans les réparations mécaniques. Il prend la relève de son père en 1926 et continue le travail de cordonnier jusqu’à son décès en 1971. Il est le dernier artisan de ce métier à Saint-Jean-Port-Joli2.

Outre la famille Morency, il y a eu quelques autres cordonniers dans la paroisse. Les listes d’électeurs nous précisent quand ils ont été en activité ; ce sont : Philippe Anctil (1962), Jean-Léon Bélanger (1945, 1949), Jean-Baptiste Châble (actif 1804-1842 ; 45, de Gaspé Ouest), Hector Deschênes (1935), Raymond Hains (1963), Gaudiose Morency (1945, 1949, 1953, 1962, 1963, 1965), Johnny Morency (1957, 1958), Louis Morency (1935, 1940, 1945), Paul Normand (1940), Alfred Ouellet (380, de Gaspé Ouest) et Sévérin Thibault (actif en 1841 ; 455, de Gaspé Ouest). Gustave Ouellet (1935, 1940, 1945, 1949, 1953, 1957, 1958, 1962, 1963 ; 380, de Gaspé Ouest) du deuxième rang a exercé son métier pendant plus longtemps que les précédents ; il serait bon d’avoir plus d’informations à son sujet3.


  1. Musée de la mémoire vivante, Maison des cordonniers Morency, photo tirée du site Internet : ttp://parcourssjpj.azurewebsites.net/ParcoursSousThemes/AfficheSousTheme?SousThemeId=8 le 2 novembre 2022.
  2. Hélène Simard, Trois générations de cordonniers à Saint-Jean-Port-Joli, Presses de l’université d’Ottawa, 1976, 87 p. informations tirées du site Internet https://doi.org/10.2307/j.ctv16wff le 19 octobre 2022.
  3. BAC, Listes des électeurs de St-Jean-Port-Joli de 1935 à 1965.



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