Il était une fois des villages autonomes – Saint-Jean-Port-Joli
par Journal L'Attisée le 2023-05-13
Saint-Jean-Port-Joli se porte relativement bien grâce à ses nombreux services et au tourisme ; ses industries demeurent toutefois peu nombreuses et peu diversifiées. À l’instar des municipalités voisines, Saint-Jean n’échappe pas à l’autonomie municipale d’antan. Plusieurs commerces qui avaient pignon sur rue ont disparu et certains depuis fort longtemps. L’exposé qui suit est loin d’être exhaustif compte tenu des recherches qui seraient nécessaires pour en faire un tour complet. L’histoire de plusieurs commerces est déjà bien connue grâce à plusieurs ouvrages sur la paroisse, le Musée de la mémoire vivante, quelques sites Internet et certaines chroniques présentées dans le présent mensuel. Nous nous attarderons donc aux aspects économiques les plus méconnus de la municipalité.
Peuplement et économie
La région de Saint-Jean-Port-Joli est déserte en 1674 et Noël Langlois dit Traversy fait arpenter un territoire de deux lieues de front sur autant de profond. Le 25 mai 1677, Louis de Buade comte de Frontenac, alors gouverneur de la Nouvelle-France, concède la seigneurie du Port Joly à monsieur Langlois. Deux censitaires viennent s’installer à l’embouchure de la rivière Trois-Saumons : Joseph Caron (1652-1711) à l’ouest et Nicolas Durand (1653-1740) à l’est. En 1683, ils sont les deux seules âmes de la seigneurie. Le 19 novembre 1686, monsieur Langlois vend sa seigneurie à Charles Aubert de la Chesnaye. Le peuplement du territoire se fait très lentement et en 1723 on ne retrouve que les 9 censitaires suivants : Joseph Caron fils, Nicolas Durand, la veuve de Jean Leclerc dit Francoeur, la veuve Jacques Chouinard, Pierre Jean, Louis Martin, Charles Bélanger, Pierre Jean fils et François Duval. Un moulin seigneurial est en activité depuis environ 1700 et Jean Lumina en est le meunier1.
Tableau 1 — Premières concessions de terres dans la seigneurie du Port-Joly2
Nom | Date de concession | Lots occupés |
Charles Bélanger | 10 septembre 1701 | Partie de 278, partie de 280, 279 et 281 à 286 |
François Boucher | 26 octobre 1701 | Terre située au nord-ouest de François Duval autour du ruisseau des Charlots |
Joseph Caron | Vers 1680 | Lots 351 à 374 du côté ouest de la rivière Trois-Saumons |
Jacques Chouinard dit Sanssoucy | 27 octobre 1698 | 300 moitié ouest, 303 à 314 et 316 |
Nicolas Durand | 26 septembre 1680 | Lots 332 à 349 du côté est de la rivière Trois-Saumons |
François Duval dit Dupoleau | ˜1691 | Terre de 7 arpents de front située au centre du village actuel |
Antoine Jean | 17 juillet 1699 | 296 à 299, 300 moitié est, 301 et 302 |
Pierre Jean, fils | ˜1713 | Terre située à 1½ mille à l’ouest de l’église |
Pierre Jean, père | ˜1711 ou 1712 | Partie de 287 à 295 |
Joseph Lavoye | 10 septembre 1701 | Terre située au nord-ouest de François Duval (De passage seulement) |
Jean Leclerc dit Francoeur | ˜1691 | 321 moitié ouest, 322 à 330 et 331 moitié est |
Louis Martin | 18 juin 1722 | Partie de 287 à 295 |
Jacques Soulard | 10 mars 1696 | Partie de 278, partie de 280, 279 et 281 à 286 (de passage seulement) |
Étienne Talon dit Bordelais | ˜1699 | Partie de 287 à 295 (de passage seulement) |
Joseph Tondreau | 10 octobre 1714 | Terre située au nord-ouest de François Duval (de passage seulement) |
Pierre Tondreau dit La Souche | 10 octobre 1714 | Terre au nord-ouest de Pierre Jean, fils (de passage seulement) |
La population de Saint-Jean s’accroît substantiellement à l’arrivée du dix-huitième siècle. En 1762, la paroisse compte 389 personnes réparties dans 56 familles. Lors de la conquête anglaise de 1759, la plupart des maisons du premier rang sont incendiées par le capitaine Gorham et les habitants auraient trouvé refuge chez leurs concitoyens du deuxième rang. En 1790, Saint-Jean compte 1 103 âmes et 2 568 en 1830. La Demi-Lieue est rattachée à Saint-Jean du point de vue religieux en 1775 et Ignace Aubert de Gaspé (1758-1823) achète la seigneurie en 1790. Deux notaires exercent à Saint-Jean avant 1776 ; il s’agit de Noël Dupont (1710-1795) et de Pierre Labrouche. François Verreault est marchand à cette époque. L’église est construite en 1779 et Charles Faucher dit Châteauvert (1744-1803) devient le premier curé résident en 1781. Outre les métiers traditionnels, il n’y a pas de véritable industrie avant l’arrivée de la distillerie des frères Harrower en 1801. En 1827, Saint-Jean compte 25 artisans et 6 tavernes. En 1831, on dénombre 4 auberges, 10 forgerons, aucun médecin, 3 ou 4 marchands, le sculpteur Amable Charon (1795-1844), le notaire Simon Fraser (1777-1855), un maître de poste depuis 1826 et un instituteur3.
Des institutions sont créées à partir du milieu du dix-neuvième siècle et Saint-Jean devient le chef-lieu du comté de L’Islet. Parmi ces institutions, on compte : le bureau d’enregistrement en 1841, 6 écoles en 1843 et 11 en 1861, la bibliothèque en 1847 et l’Institut littéraire en 1856. Des professionnels viennent s’installer dans la paroisse durant cette époque. Le premier médecin, Salluste Roy, arrive en 1849. Quatre notaires exercent en 1854 ; il s’agit de Simon Fraser, Thaddée Michaud, Némèse-Sylvestre Pelletier et Louis-Zéphirin Duval (1823-1910). Le marchand Georges Blais est aussi présent à cette époque. La distillerie est disparue lors du recensement de 1852 et la paroisse compte 3 496 personnes. Il y a 2 moulins à farine dont un qui ne fonctionne pas, 9 moulins à scie dont 4 ne fonctionnent pas et une tannerie qui n’est pas opérationnelle. La gare est construite en 1858 et le train arrive l’année suivante ; François Jean est le premier chef de gare. Lucien Legros construit des goélettes et des bricks dans les années 1860. Il y a 2 fours à potasse ; celui de Frédéric Caron est situé à un mille et demie à l’ouest de l’église et celui de Johnny Jean est sis à la station. Ces 2 industries ont disparu avant 18704.
Suite dans le prochaine numéro.
Notes
1 Comité du tricentenaire de St-Jean-Port-Joli, St-Jean-Port-Joli 1677-1977, Imprimerie Fortin, La Pocatière, 1977, p. 66-71.
2 Léon Roy, Les terres de la Grande-Anse, Imprimerie Fortin, La Pocatière, 1951, p. 255-277. Certains pionniers possèdent d’autres parcelles de terres non énumérées dans le tableau.
3 Comité du tricentenaire de St-Jean-Port-Joli, op. cit., p. 72-89.
4 Comité du tricentenaire de St-Jean-Port-Joli, op. cit., p. 90-95.