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Une maison… un jour - La manufacture de cercueils Dubé
par Journal L'Attisée le 2022-07-12


Je renoue avec cette rubrique que je proposais l’an dernier de présenter une maison, un édifice ou un bâtiment toujours présent ou ayant eu pignon sur rue à Saint-Jean-Port-Joli. Les croquis les accompagnant nous sont encore offerts par Michèle Legros dont nous pouvons profiter de la générosité. Retour dans le passé, c’est autour d’une entreprise disparue que s’amorce cette suite, la manufacture de cercueils Dubé et Fils.

 La manufacture de cercueils Dubé à Saint-Jean-Port-Joli
Ce dessin fait partie de la collection
« Il était une fois mon village »
Michèle Legros


Dans un article paru dans Le Placoteux en 2018, Yves Hébert mentionne que vers la fin du 19e siècle, la tâche de fabriquer un cercueil était effectuée par le père d’une famille en deuil ou un menuisier des environs agissant pour celle-ci. En 1888, alors qu’il n’est âgé que de vingt-six ans, François-Xavier Dubé, artisan menuisier, donne suite à son idée de se spécialiser dans ce champ d’activité et développe une entreprise à cette fin. La fabrication d’un cercueil terminée, c’est son épouse Georgianna Simoneau qui, de ses doigts de fée, procèdera à l’habillage intérieur en satin. Le produit fini sera ensuite vendu au prix de 7 $ à 22 $, variant selon les matériaux, et distribué aux marchands généraux des municipalités du comté et aux entrepreneurs de pompes funèbres.


À la suite du décès de François-Xavier en 1940, son fils Victor prend la relève et poursuit les opérations avec l’aide de sa famille. Son épouse Amanda Dubé, avec autant d’art et d’attention que sa belle-mère, veille à la finition intérieure et ses onze enfants participent aux diverses opérations : coupe et délignage du bois, assemblage, sablage, peinture et vernis, pose des poignées, sculpture et ornementation. Ces diverses étapes de fabrication se déroulaient dans trois bâtiments. Un convoyeur aérien (tracel) servait aux déplacements, d’abord celui du bois nécessaire depuis l’entrepôt vers le site d’assemblage ainsi que celui du cercueil assemblé vers l’espace réservé à la finition et la décoration. Le présent croquis présente la partie avant de l’entreprise qui abritait la famille de M. Dubé et qu’occupa son petit-fils Jean-Marie jusqu’à son décès en 2001.


Au début du siècle dernier, deux évènements contribuent à l’essor de l’entreprise. D’une part, le naufrage du paquebot Empress of Ireland au large de Rimouski le 29 mai 1914 fait 1 012 victimes. À cette fin, la manufacture Dubé répond à la demande du directeur des funérailles de Rimouski de fournir des cercueils qui seront alors expédiés par train. Seconde tragédie, l’épidémie de grippe espagnole arrive au Québec à la fin de septembre 1918, possiblement introduite au retour des soldats partis combattre en Europe où elle sévissait depuis déjà quelques mois. Se prolongeant jusqu’en 1920, la pandémie se répand dans toutes les régions de la province et provoque le décès de plus de 13 000 personnes.


Les opérations de cette entreprise se sont poursuivies jusqu’au milieu des années 1960, cessant après le décès de M. Victor Dubé. Par la suite et pour des raisons de sécurité, deux des bâtisses qui abritaient la manufacture furent démolies dans les années 1970 ; la dernière partie fut déconstruite en 2007-2008, nécessitant la patience de M. Berthier Guay aidé de Louis-Marie St-Pierre qui, pièce par pièce, les évaluaient, triaient et en disposaient selon leur valeur. Ainsi prit fin ce périple qui s’anima pendant plus de cent ans.


Sources

  1. Un grand merci s’adresse d’abord à M. Roland Dubé, petit-fils du fondateur et témoin privilégié de la vie de cette entreprise, pour les généreuses informations qu’il m’a transmises et la cordialité qu’il m’a accordée lors de deux communications téléphoniques, les 29 avril et 2 mai derniers.
  2. La mémoire d’autres témoins a également contribué à ajouter des informations ; j’ai ainsi pu me fier à celles de Michèle Legros, Vincent Ouellet, Yves Racine, Berthier Guay et Charles-Émile Duval.
  3. Yves Hébert, Les petites industries rurales : la fabrique de cercueils, dans Le Placoteux, 2018-11-04
  4. Grippe espagnole : la grande tueuse, dans Québec Science, 2015-09-08



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