Menu principal

Décembres d’antan
par Journal L'Attisée le 2021-12-09

Empruntant quelques mots d’un chanteur français, je vous parle d’un temps que les plus de soixante ans ont pu connaitre.


Décembre y déroulait ses jours avec cette lenteur que notre jeune âge peinait à supporter et, par l’accumulation quotidienne des scintillements multicolores de ses soirées, il faisait miroiter le temps des fêtes attendu qu’il nous tardait de voir arriver.


C’était ce mois où l’activité scolaire nous semblait s’éterniser, même si elle se voyait écourtée d’une semaine, et qu’elle devait malgré tout produire le bulletin obligeant à nous soumettre aux évaluations pour en combler la colonne mensuelle. Le 23 du mois mettait alors fin à ce petit supplice nécessaire et nous plongeait dans ces deux semaines tant espérées.


Succédait à cette libération la journée du 24 décembre que nos amusements extérieurs occupaient avec la fébrilité que suscitait la nuit de Noël. Afin de voir celle-ci se prolonger, parfois jusqu’au matin, notre organisme nous réclamait ses heures de sommeil que nous tentions tant bien que mal de lui procurer pendant cette soirée. Réveillés laborieusement en fin de veillée, il fallait nous préparer pour aller assister à la messe de minuit, célébrée à cette époque… à minuit, à l’église et au collège Fleury.


Deux raisons nous incitaient à nous rendre à l’office au collège. D’une part, à l’église, les bancs étant vendus aux familles n’offraient pas une place à chacun de ses membres et le curé d’alors, ralenti par son âge avancé, prolongeait la solennité ; d’autre part, au collège, la célébration prenait fin quand le président invitait les fidèles qui le désiraient à quitter après une première cérémonie, l’amputant ainsi de ce que le commun des mortels identifiait alors de deux messes. Cette seconde option avait ainsi l’heur de retenir notre attention.


Nous nous acheminions alors vers le collège Fleury, grelottant et accélérant nos pas qui faisaient crisser la neige durcie dans ces nuits que ma mémoire revoit parfois étoilées, souvent marquées de grande froidure et agrémentées de généreux flocons de neige. Nous suivions quelque peu somnolents le déroulement de la messe de minuit sans trop comprendre ce que le célébrant se disait, lui qui, dos à l’assemblée, conformément à l’usage de cette époque où l’emploi du latin pendant les offices ne laissait aucune place à la compréhension du peuple fidèle, se retournait occasionnellement comme pour réveiller ses ouailles en leur administrant un Dominus vobiscum que plusieurs ne savaient traduire mais auquel chacun répondait par cet Et cum spiritu tuo que la tradition leur avait appris sans qu’ils n’en connaissent guère plus la signification.


À la sortie de l’office, après y avoir assisté tout emmitouflés, notre replongée dans le froid nous apparaissait davantage intense et nous retournions à la maison avec la même célérité, les joues et le nez rougissant au point de compétitionner avec un célèbre personnage joufflu ou un certain petit renne. Le retour de la messe de minuit laissait découvrir à nos regards émerveillés une multitude de cadeaux déposés au pied l’arbre de Noël ainsi qu’une table généreusement garnie de mets tous aussi appétissants les uns que les autres et sur laquelle se côtoyaient et rivalisaient pâtisseries et friandises de toutes sortes : tourtières, pâtés, salades, tartes, beignes, gâteaux, chocolats, bonbons variés, croustilles, sucre à la crème, etc., parmi lesquels, pacifiquement, cohabitaient diverses petites décorations festives qui venaient ajouter une touche de féerie au réveillon qui s’ensuivait.


Outre les festivités de ce temps, celui-ci ne manquait pas de laisser une part belle aux activités extérieures. J’ai souvenir de ces décembres de notre enfance, non encore trop investis de changements climatiques, où la neige se plaisait à neiger généreusement, s’accumulant au grand déplaisir des pelleteurs tout autant qu’au vif ravissement des adeptes de raquettes, de glissades ou d’activités extérieures que nous étions et qui nous invitait à multiplier nos heures de jeux extérieurs. Ceux-ci se traduisaient quotidiennement par une ruée vers la patinoire, localisée à cette époque derrière le magasin IGA de maintenant. Chaque matin de ce congé des fêtes voyait nos groupes d’amis converger instinctivement très tôt vers cette aire que souvent nous devions pelleter avant de commencer à y user nos bâtons de hockey. Bien que notre assiduité consommée à les manipuler et à exercer nos coups de patin n’ait jamais fourni de Maurice Richard ou de Jean Béliveau, elle nous a cependant procuré de nombreuses heures de divertissement. Nos matinées et nos après-midis s’y écoulaient trop rapidement, entrecoupés par un bref retour à la maison à l’heure du repas du midi.


Glissades sur la petite pente bordant de nos jours le parc des Trois Bérets que nous identifiions à l’époque comme la côte chez Barthélémy, travaux d’ingénierie ou d’architecture dans les amoncellements de neige où s’érigeaient tunnels, grottes, forteresse, etc., raquette et ski de fond sur des pistes chaque fois réinventées contribuaient à combler les jours de congé du temps des fêtes avant qu’un retour à une autre réalité nous ramène à l’école.


Serge Picard



Mots-Clefs

Serge  Picard  décembre  antan  
Espace publicitaire