Il était une fois des villages autonomes (suite)
par Journal L'Attisée le 2021-07-13
Chacune de nos trois municipalités comptaient jadis un bien plus grand nombre de commerces et de services. Plusieurs ont disparu il y a fort longtemps. Chaque paroisse était presqu’autonome et il n’était pratiquement pas nécessaire d’aller magasiner ailleurs que dans son propre patelin.
Saint-Damase - Dépanneurs
Alfred Morin (1905-1960) a opéré un petit dépanneur dans sa maison de Pinguet dans les années 1950. L’établissement qu’on qualifiait de « backstore » ne vendait que quelques articles comme de la gomme, du chocolat, des bonbons, de la liqueur, etc). La maison de monsieur Morin n’existe plus et elle se trouvait sur les terrains actuels d’Éric Pelletier (lot 60, rang 1, canton Ashford). Fernand Pelletier (1928-2008) a eu un petit dépanneur dans sa maison au début des années 1960 ; on n'y vendait que quelques articles comme chez monsieur Morin. Sa maison (563, rang Pinguet) était un lieu de rassemblement et les gens de Pinguet allaient y veiller le soir. L’épouse de monsieur Pelletier, Armande St-Pierre (1921-1993), aimait la compagnie et elle servait des œufs dans le vinaigre pour attirer les clients1. Il y avait de petits malins qui rivalisaient pour jouer toutes sortes de tours plus loufoques les uns des autres2. Les gens du cinquième se rassemblaient chez Télesphore Bélanger (1904-1988) à partir du milieu des années 1950. Monsieur Bélanger vendait de la liqueur froide 10 sous l’unité qu’il allait puiser sous la trappe dans sa cuisine. Il avait la télévision et les gens venaient y voir Les Plouffe à la fin des années 1950. Sa maison n’existe plus et c’est une de ses petites-filles qui s’est construite sur le site (522, rang 5)3.
Figure 4- Maison où était situé le
dépanneur d’Ulric Gagnon
Ulric Gagnon (1885-1955) a opéré un dépanneur dans sa maison du sixième (666, rang 6) des années 1930 jusqu’au milieu des années 1950. On y trouvait un peu de tout ; des bonbons, du sucre, de la farine, des cannages, des céréales et autres produits alimentaires. Le 24 juin 1944, Ulric se donne à son beau-frère et à sa belle-sœur, Henri Picard (1912-2003) et Béatrice Pelletier (1919-2015), qui emménagent avec la famille Gagnon et les secondent avec le dépanneur4. Le 6 décembre 1957, Henri Picard échange son dépanneur avec son frère Antoine (1911-1997)5 ; le commerce est ensuite vendu à Ferdinand Pelletier (1920-1961) le 30 décembre 19576. Noël Dubé, connu sous le pseudonyme Ti-Ouelle, (1906-1988) acquiert le dépanneur en mai 19597 et le conserve jusqu’en 19848. Le dépanneur était situé au « coin de la route » du sixième rang et de la route Ouellet ; tous les jeunes du coin s’y rassemblaient et certains y ont même trouvé l’âme sœur. Certains plus coquins que d’autres se faisaient un malin plaisir à jouer des tours aux autres et c’était à qui mieux mieux9. Au milieu des années 1950, Antoine Picard (1911-1997) qui habite juste en arrière du dépanneur (668, rang 6), fait l’acquisition du tout premier téléviseur dans le sixième rang ; les gens du coin vont veiller chez Antoine pour voir des programmes pendant que son épouse sert de quoi grignoter. Les visiteurs étaient si nombreux que la plupart n’avaient que le sol pour s'asseoir10.
Sur le dessus des côtes du sixième, il y a David Cloutier (1888-1948) qui opère aussi un petit magasin général (640, rang 6) et vend de la crème glacée, une denrée rare à cette époque11. À quelques pas plus à l’ouest, Henri Lord et Marcelle Cloutier (636, rang 6) élèvent des moutons et fabriquent divers produits issus de leur ferme. Ils organisent aussi des méchouis pendant un certain temps à partir de 197312. Des repas gastronomiques sont aussi servis brièvement à la fin des années 1990 sur le dessus des côtes à Bédard dans l’ancien château d’André Bombardier (43, route Bédard). Le site offre une superbe vue sur la plaine du St-Laurent et les montagnes de Charlevoix mais n’est en rien comparable à ce que l’on trouve juste un peu plus loin avant de descendre les côtes (8, route Bédard).
Annette Castonguay a opéré un petit dépanneur dans le quatrième (121, route 204) pendant quelques mois vers 1961. Le plus célèbre dépanneur de Saint-Damase est sans contredit Le Damasien au cœur du village (169, route 204). Thérèse Lord a ouvert ce commerce en 1957 dans une petite pièce au sud-est de la maison pendant que sa mère opère le bureau de poste dans une annexe au nord-ouest. Thérèse décède subitement le 6 octobre 1961 et sa cousine, Marie-Jeanne Castonguay vient prendre les affaires en main. Elle opère le dépanneur jusqu’au début des années 1990 alors qu’elle prend une retraite bien méritée. Ce dépanneur vendait un peu de tout, du fil à repriser en passant par les friandises, les cannages, le sucre, la farine, les produits laitiers, les céréales, etc. Le dépanneur était fort achalandé le dimanche avant et après les messes car il était juste en face de l’église13. Rodrigue Sénéchal a relancé le dépanneur pendant quelques mois à partir du milieu de 2010 mais cela n’a pas duré très longtemps.
Suite le mois prochain.
1 Informations fournies par Priscille Pelletier en entrevue téléphonique le 21 août 2020.
2 Ibid.
3 Informations fournies par Rose Lord en entrevue téléphonique le 25 août 2020.
4 Me Émile Miville-Deschênes, Donation d’Ulric Gagnon à Henri Picard, minute 7925, 24 juin 1944.
5 Me Émile Miville-Deschênes, Échange entre Henri Picard et Antoine Picard, minute 19,447, 6 décembre 1957.
6 Me Émile Miville-Deschênes, Vente d’Antoine Picard à Ferdinand Pelletier, minute 19,505, 30 décembre 1957.
7 Registre foncier du Québec, Vente de Ferdinand Pelletier à Noël Dubé, no enregistrement 78,612, 12 mai 1959.
8 Comité de l’album, L’Écho du passé, Les éditions Marquis Ltée, Montmagny, 1988, p. 204.
9 Souvenirs racontés par mon père il y a plusieurs années. Tous les gens du secteur désignaient la jonction du sixième et de la route Ouellet par le nom « route du coin ».
10 Informations fournies par Rose Lord en entrevue le 25 septembre 2020.
11 Sylvie Cloutier, Notre famille d’hier à aujourd’hui, Les Éditions du Savoir inc., Saint-Damase, 1994, p.147.
12 Comité de l’album, L’Écho du passé, Les éditions Marquis Ltée, Montmagny, 1988, p. 275.
13 Informations fournies en partie par Sylvie Cloutier en entrevue téléphonique le 27 août 2020.