Il était une fois des villages autonomes (suite)
par Journal L'Attisée le 2021-06-17
Saint-Damase
Les facteurs
De nombreuses personnes ont exercé le métier de facteur à Saint-Damase, mais on a perdu la trace de ceux qui en ont été les premiers. Pour la plupart d’entre elles, la livraison du courrier amenait un revenu d’appoint et ce n’était pas le travail principal. Parmi ces facteurs, on retrouve Amable Gamache (1914-1983) qui s’était procuré un attelage de chiens pour effectuer la livraison quotidienne du courrier au début de sa carrière de postier. Il a exercé ce métier jusque vers 1980 ; il desservait le haut de la montagne, le rang Arago et une partie du village1. Zéphirin Bélanger (1904-1965) a exercé le même métier pendant plusieurs années. Barthélémy Sénéchal (1916-1983) a aussi occupé cette fonction pendant assez longtemps.
Les cordonniers
Figure 2- Herménégilde Pellerin et Aurélie Pelletier3
Seuls deux cordonniers ont été retracés à Saint-Damase, mais il y en a probablement eu d’autres. Le recensement de 1901 nous indique que Philomène Dubé (1838-1913) pratique le métier2. Aurélie Pelletier (1902-1982) et Herménégilde Pellerin (1900-1980) ont appris le métier par eux-mêmes ; ils ont commencé à pratiquer au début des années 1930 dans leur résidence (155, route 204). Madame Pelletier cousait les jambes de bottes à la main. Le couple avait une machine à coudre spéciale pour la cordonnerie. Les Pellerin fabriquaient des bottes, des bottines, des souliers selon la mode du temps, des mitaines de cuir, des ceintures, des lacets, des sacs d’école, des brides et des harnais pour l’attelage des chevaux. Ces cordonniers de la paroisse ont cessé leurs opérations vers les années 1970 et n’ont jamais été remplacés depuis.
Les forgerons
Figure 3- Bernard Fortin dans sa forge
On ne sait pas exactement quand le premier forgeron s’est établi à Saint-Damase. Le recensement de 1881 de Sainte-Louise et Ashford nous mentionne que Philippe Labrie, Calixte Pelletier et Jean-Baptiste Boivin sont forgerons sur le territoire. Ces noms ne sont pas familiers pour les premiers colons de Saint-Damase et tout porte à croire qu’ils étaient plutôt de Sainte-Louise4. Les premiers recensements complets de Saint-Damase en 1891 et en 1901 n’indiquent aucun forgeron et cela semble plutôt étrange. Le recensement de 1911 mentionne que Vénérand Fortin, Prudent Miville et Wilfred Miville sont forgerons ; les deux derniers appartiennent possiblement à la paroisse en devenir, de Tourville, dont une partie est encore rattachée à Saint-Damase5. Noël Pelletier (1894-1969) était forgeron au sixième rang lors du recensement de 1921 ; on le retrouve plus tard à Sainte-Perpétue, mais on ne sait pas combien de temps il a exercé à Saint-Damase6. Michel Jean (1908-1994) a été forgeron du milieu des années 1930 à 1947 ; sa forge était située au 138 route 204. Il a construit toutes sortes d’articles pour le cheval, la maison et divers travaux. Il embauchait parfois quelques hommes quand il obtenait de gros contrats comme celui des « sleighs » pour l’Abitibi. Il ferrait les chevaux surtout en été, mais aussi sur la glace en hiver. Il a abandonné le métier parce qu’il avait trop mal au dos7. Gérard Pelletier (1907-1990) a aussi été forgeron, mais il a surtout exercé à Sainte-Louise. Vénérand Fortin (1880-1980) a été le forgeron le plus longtemps en fonction avec plus de 50 ans de pratique. Il a construit sa propre boutique derrière sa maison (13 Village est). Bernard a pris la relève de son père et a été le dernier forgeron de la paroisse8.
Les gardes-chasses et les gardes-forestiers
Les métiers de gardes-chasses et de gardes-forestiers sont souvent confondus dans les archives et c’est pourquoi ils sont rapportés ensemble. Le premier garde-chasse mentionné sur le territoire de Saint-Damase est Louis Lapointe (1832-1905) ; son territoire de travail s’étendait sur tout le territoire du comté de L’Islet et parfois même à l’extérieur. Louis est marchand à Saint-Jean-Port-Joli et ne semble jamais avoir résidé à Saint-Damase9. Ses fils Philéas (1867-1954) et Eugène Lapointe (1865-1939), qui ont pratiqué le même métier, ont résidé dans la paroisse. Pour Eugène, ce fut un travail à temps plein et pas seulement temporaire ou occasionnel comme son père. Les archives nous précisent qu’Eugène était également arpenteur. Parmi les autres personnes qui ont exercé le même métier mentionnons : Georges-Henri Cloutier (1920-1981)10, Noël Pelletier11 et Paul-Émile Dubé12.
Les gardes-feu
Armand Gamache (1909-2003), Barthélémy Sénéchal (1916-1983) et Patrick Sénéchal (1918-1986) ont été gardes-feux à la tour du rang Arago pendant de nombreuses années. D’autres les ont certainement précédés, mais il n’a pas été possible de retracer leurs noms. Aujourd’hui le site est occupé par une tour de télécommunication. La vue est imprenable à cet endroit ; on peut distinguer du fleuve à la frontière canado-américaine13. Il y avait également une tour à Pinguet ; elle était située sur la montagne au nord-est de chez Jean Duval. La route pour y accéder prenait dans le milieu de la côte qui remonte après les dernières maisons quand on circule en direction de Saint-Onésime. Roland Lapointe (1914-1981) en aurait été brièvement l’un des premiers gardiens lorsque la tour a été construite au début des années 1950. Gérard « alias Paquet » Pelletier (1908-1980) lui a succédé des années 1950 jusqu’à 1971 alors que les opérations de surveillance cessent et que monsieur Pelletier prend sa retraite. Fabien Cloutier acquiert le chalet du gardien au pied de la tour et le déménage au lac Therrien en 1975. La tour d’observation a été démolie quelques années plus tard14. Certains résidents du coin, et même d’ailleurs, aimaient grimper dans la tour afin de profiter de la vue offerte ; c’est le cas de Léona Thériault lorsqu’elle est enceinte en 196415. Le travail du garde-feu commençait au printemps et il se terminait à l’automne pour une durée moyenne de cinq mois. Les premières tours d’observation ont été construites en 1910 et la plupart ont été abandonnées au milieu des années 1960, car la surveillance par avion était devenue plus rentable16.
Les juges de paix
Saint-Damase a eu ses juges de paix comme toutes les paroisses environnantes. Certains ont même été nominés avant même la fondation de la municipalité. Le tableau suivant donne une liste non exhaustive de ces nominations.
Tableau 3- Juges de paix à Saint-Damase17
Nom | Date de nomination |
Germain Anctil (1830-1895) | 18 août 1887 |
Louis Fournier (1841-1920) | 24 février 188918 |
Elzéar Pelletier (1831-1903) | 18 août 1887 |
Félix Bélanger (1854-1927) | 26 juillet 1887 |
Armand Fournier (1883-1940) | 30 août 192719 |
Louis Pelletier (1871-1954) | Avant 189920 |
Les sages-femmes
Avant la construction de l’hôpital de Saint-Jean-Port-Joli en 194821, la plupart des femmes accouchaient à la maison. Bien peu d’entre elles pouvaient compter sur la présence d’un médecin lors de la naissance d’un enfant. Chaque paroisse comptait sa cohorte de sages-femmes et il y en avait presque toujours une sur qui on pouvait compter dans ces moments si importants. À Saint-Damase, on a retenu les noms d’Emma Pelletier (1881-1968) à Pinguet, Marie-Anne Pelletier (1901-198522) au sixième rang, Rose-Aimée Thiboutot (1920-2013) au village et Marie Lord (1869-1925) dans le haut de la montagne ; il y en a certainement eu d’autres. La paroisse n’a jamais eu de médecin résident bien que quelques-uns en soient originaires. Saint-Damase a pu toutefois compter sur les services de la garde Éva May Pellerin (1908-1994) de l’Unité sanitaire qui visitait les maisons et les écoles de tout le comté de L’Islet. Lors de son passage dans les écoles, elle vérifiait la tête des enfants qu’elle soupçonnait d’avoir des poux23.
Les sculpteurs
Une quinzaine de personnes de Saint-Damase ont exercé le métier de sculpteurs ; elles étaient toutes apparentées. François Daigle (1918-1995) et son épouse Florida Gagnon (1926-1997) ont débuté dans le domaine en 1944 et ont exercé ce métier pendant de nombreuses années ; ce faisant, ils ont initié leurs fils Denis et Jean-Louis24. Antoine Gaudreau et Huguette Daigle (1938-2011) se sont lancés dans la sculpture en 1970. Herménégilde Gaudreau et Jean-Marie Gaudreau se sont initiés à cet art dans les années 1960. Amédée a pratiqué de 1963 à 1992 ; en 1977, il a remporté le 2e prix sur 275 participants à l’exposition internationale de Toronto25.
Vétérinaires
Dans les débuts de Saint-Damase, toutes les familles ou presque avaient des animaux de ferme et devaient voir à la bonne santé de leurs bêtes. Il n’y a jamais eu de vétérinaire diplômé, mais certains ont quand même été reconnus comme tel à cause de leur savoir-faire. Mentionnons entre-autre Joseph Castonguay (1891-1992) et Antoine St-Amant (1897-1992) ; il y en a certainement eu d’autres.
Suite dans le prochain numéro.
Notes :
1 Informations fournies en entrevue téléphonique par Diane Gamache le 16 novembre 2020.
2 Bibliothèque et Archives Canada, Recensement de 1901 de St-Damase, p. 2, ligne 46.
3 Comité de l’album, L’Écho du passé, Les éditions Marquis Ltée, Montmagny, 1988, p.80.
4 Bibliothèque et Archives Canada, Recensement de 1881 de Ste-Louise et Ashford, p. 16 ligne 17, p. 20 ligne 14 et p. 62 ligne 3.
5 Bibliothèque et Archives Canada, Recensement de 1911 de St-Damase, p. 1 ligne 27 et 2 lignes 25 et 26.
6 Bibliothèque et Archives Canada, Recensement de 1921 de St-Damase, p. 7 ligne 18.
7 Informations fournies par Bertrand Jean en entrevue le 14 octobre 2020.
8 Comité de l’album, L’Écho du passé, Les éditions Marquis Ltée, Montmagny, 1988, p. 79.
9 « La chasse », Le Quotidien, vol 10, no 122, Fraseville, 29 novembre 1888, p 3.
10 Comité de l’album, L’Écho du passé, Les éditions Marquis Ltée, Montmagny, 1988, p. 337
11 « Maison détruite par le feu à St-Damase », Progrès du Saguenay, vol 88, no 354, Chicoutimi, 24 décembre 1954, p. 4.
12 « Aux nouveaux gardes-chasses – Accomplir son devoir sans aucune ingérence politique », La Presse, 77e année, no 240, Montréal, 29 juillet 1961, p 11.
13 Informations fournies par Thérèse Mercier en entrevue téléphonique le 5 octobre 2020. Armand Gamache a occupé ce poste brièvement à la fin des années 1930.
14 Informations fournies par Lina Duval en entrevue téléphonique le 16 novembre 2020.
15 Informations fournies par Raymond Dubé en entrevue téléphonique le 15 novembre 2020.
16 Société historique de Saint-Donat de Montcalm, Historique des tours à feu, informations tirées du site Internet : www.societehistoriquesaint-donat.ca/Historique-des-tours-a-
feu le 15 octobre 2020.
17 Société de généalogie de Québec, base de données des juges de paix.
18 Il n’est pas clair si c’est le père ou le fils. La famille est passée à Fitchburg avant 1891 avant de revenir s’établir au Saguenay.
19 Gazette officielle du Québec, Nominations, vol 59, no 40, Québec, 8 octobre 1927, p. 3021.
20 Gazette officielle du Québec, Causes entendues par les juges de paix, vol 31, no 8, Québec, 25 février 1899, p. 512.
21 Culture, Communications et Condition féminine Québec, Circuit du patrimoine bâti Saint-Jean-Port-Joli, p.16.
22 Comité de l’album, L’Écho du passé, Les éditions Marquis Ltée, Montmagny, 1988, p. 185.
23 Informations fournies par Fernande Gaudreau en entrevue téléphonique le 28 septembre 2020.
24 Comité de l’album, L’Écho du passé, Les éditions Marquis Ltée, Montmagny, 1988, p. 194.
25 Informations fournies par Thérèse Mercier en entrevue téléphonique le 5 octobre 2020.