« Décès de Michel Louvain : le Québec pleure une idole », c’est ce grand titre d’un quotidien qui a suscité mon attention pour cette chronique sur le deuil. La communauté artistique et les admirateurs ont été très atteints par cette mort rapide et soudaine de leur idole de jeunesse, cela est indéniable. La mort de cette vedette a aussi affecté les gens en général. Des gens qui l’avaient simplement connu à la télévision, des gens qui ne l’avaient jamais rencontré ni même vu en spectacle. Alors, pourquoi la mort d’une vedette ou d’une personnalité publique affecte-t-elle autant les gens? Le deuil d’une vedette est-il le même que pour celui d’un proche?

Que nous soyons admirateurs ou non de célébrités médiatiques, les relations que nous tissons avec elles sont très particulières. En effet, alors que nous ne la connaissons pas personnellement, nous entretenons des relations socio-affectives parfois intenses avec notre idole. Bien que la relation soit à un sens, il existe bel et bien une relation.

La vérité, c’est qu’il n’y a pas de règle par rapport au deuil, et le deuil ne se limite pas seulement au décès de sa famille proche. Nous pouvons ressentir de la peine suite au décès de n’importe quelle personne qui était significative pour nous. Les émotions sont tellement vastes qu’il est difficile d’identifier pourquoi elles se manifestent de certaines façons. Tandis que plusieurs vivent leur deuil dans la normalité, d’autres sont surpris de réagir si fortement. C’est bien normal que le départ de notre idole nous affecte. Leur mort rappelle souvent aux gens qu’ils sont aussi mortels que chacun d’entre nous.

Les manifestations d’amour témoignées aux personnalités sont souvent passionnées et quelques fois démesurées, et « quand ils meurent, c’est comme si un membre de notre famille élargie mourait ». Le fan entretient un rapport mystique avec son idole. Il est parfois un Dieu qu’il vénère et quand meurt l’idole, c’est là qu’intervient le bouleversement. En raison de l’idéalisation dont la vedette a fait l’objet, le risque dépressif est là. En outre, la mort de l’idole laisse un grand vide, car avec lui, disparaît quelqu’un avec qui on a passé beaucoup de temps.

Lorsque nos idoles nous quittent, nous continuons de ressentir ce besoin d’unir nos voix pour crier notre amour au disparu et amorcer notre deuil. « Décès de Michel Louvain : on a perdu un grand homme. C’est une immense perte pour la communauté artistique. » Les bons mots à son égard ont fusé de partout après son décès. Les célébrités sont souvent perçues comme supérieures à la norme, plus parfaites et souvent intouchables en quelque sorte.

Souvenons-nous du décès de Dédé Fortin en 2000, l’ancien chanteur du groupe « Les Colocs » qui a aussi suscité des témoignages d’amour spontanés. Symbole de notre fierté, Maurice Richard a reçu lui aussi des adieux magistraux, à l’image de sa carrière et du respect que les Québécois lui portaient. Ses admirateurs, mais aussi des gens qui ne l’avaient jamais vu jouer au hockey, ont attendu pendant des heures pour avoir l’occasion de circuler quelques secondes près de son cercueil. Le jour des funérailles, une foule silencieuse est descendue dans la rue pour suivre son cortège funèbre et assister à la cérémonie sur un écran géant. Une douleur étalée au grand jour.

Il arrive cependant que le deuil soit plus difficile pour certains. Avoir des idoles, c’est normal. Il faut faire attention de ne pas écraser l’idole en particulier chez l’adolescent qui s’identifie à lui et l’aime vraiment. Selon un psychologue, les ados réagissent parfois de façon très personnelle au deuil de leur idole. Pour eux, ce dernier est leur ami et parfois même un confident.

Que l’on soit un proche ou un admirateur, chacun sent le besoin de souligner le départ de ceux qu’on aime. Peu importe que l’on soit 10 ou 1 million à pleurer, les deuils collectifs nous aident à comprendre à quel point la personne qui décède n’appartient pas seulement à la famille proche, mais à tous ceux qui ont croisé sa route.

Liette Desjardins, célébrante funéraire laïque