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Rêve d’une école
par Journal L'Attisée le 2020-07-06

Étienne Miville


Du 15 mai au 15 juin c’était le mois de la sensibilisation au Syndrome de Gilles de la Tourette. Dany Fortin, la mère d’Étienne Miville, nous raconte ce qu’elle rêve pour son garçon.

Je pense à toutes les mamans et les papas qui sont dans le même bateau que moi. Celui qui rencontre des tempêtes, qui demande une présence constante pour la navigation, un travail quotidien pour sa maintenance et sa progression de la navigation. Un bateau qui rencontre des tempêtes, mais également des moments de repos, de bonheur et de plaisance.

J’ai deux grands garçons. 6e année et secondaire (à son rythme). Mon plus vieux a un handicap neurologique sévère, syndrome de Gilles de la Tourette avec tous les rayons de soleil. Depuis le début de la pandémie, je navigue sur une eau paisible avec mon conjoint et mes deux matelots. Je fais un suivi des travaux scolaires auprès des professeurs et de voir toutes les réalisations et les réussites vécues autour de moi me rend heureuse.

La pandémie a permis à mon adolescent du secondaire qui a le syndrome de Gilles de la Tourette (avec tous les rayons de soleil) d’évoluer à son rythme. Il a fait tous les travaux des trousses pédagogiques envoyées par le gouvernement et parfois les travaux de celles de son frère. Maintenant, avec le retour en classe, étant donné que les écoles secondaires ne sont pas ouvertes, je fais l’école à la maison avec des professeurs extraordinaires qui répondent à mes questionnements et qui font le suivi des apprentissages au rythme de mon ado.

Vous comprendrez que mon emploi du temps est chargé! J’ai un travail à temps plein dans un centre de la petite enfance, je prépare les cours et enseigne la matière à la maison. Je suis contente que les écoles primaires soient ouvertes à nouveau pour alléger la tâche scolaire. Pour mon plus vieux, avec le handicap neurologique méconnu qu’est le syndrome de Gilles de la Tourette, l’école et les travaux scolaires à la maison sont des expériences vécues plus d’une fois pour nous. Lorsque les tempêtes se lèvent à l’école et que le personnel d’une école non spécialisée n’est pas en mesure de tenir le gouvernail de son bateau sur cette mer mouvementée, le bateau parental est appelé à la rescousse! Il retourne l’élève à la maison. Donc voilà, nous avons plusieurs mois de pratique de confinement et de scolarisation à la maison depuis les premières années d’école de notre garçon. La scolarisation se passe relativement bien à la maison. Mais ce n’est pas parce qu’il a fait toutes ses trousses pédagogiques et qu’il fait des bons travaux qu’on aurait dû en mettre plus. Notre garçon aime l’école, il aime apprendre et il aime faire ses travaux. Lorsqu’il n’a pas ou peu de tics, que ses obsessions sont au minimum, qu’il n’y a pas d’information qui se bute à sa rigidité, eh bien croyez-le ou non, son handicap disparaît (ou presque) et c’est comme s’il était guéri : il clanche, comme on dit, il dépasse des records de vitesses au travail. Mais le SGT ne se guérit pas et ce qui lui rend la vie difficile c’est que lorsqu’il a un tic, un toc, une rigidité, ou un autre symptôme des rayons de soleil Tourette, son incapacité est mal jugée. «?Tu l’as fait l’autre jour?», «?T’es capable?», etc. Mais détrompez-vous, le SGT est un handicap invisible ou presque et imprévisible. Un toc qui subvient n’est pas inscrit au visage! C’est pourquoi le navire d’enseignement doit suivre la vitesse de croisière inégale. Il n’y a donc pas de limite de vitesse précise, comme pour les embarcations de navigation, suivre son rythme veut parfois dire changer sa vitesse selon les intempéries, la visibilité, l’ampleur du trafic maritime, les conditions météorologiques, etc.

Malgré que ça se passe bien l’école à la maison, j’aimerais qu’une école secondaire spécialisée près de chez-nous ouvre ses portes. Mon garçon aime aller à l’école, il aime rencontrer des gens, mais son rythme de vie, sa socialisation, sa façon d’apprendre est très différente de la majorité des jeunes. Sa façon d’apprendre ne cadre pas dans une école régulière, où il y a trop de stimili, où tout va vite, où il y a trop d’interaction sociale, etc. Ce que j’aimerais par-dessus tout, c’est qu’une école secondaire spécialisée dans les domaines des handicaps neurologiques soit ouverte dans notre région pour lui et pour les autres jeunes qui ne peuvent voguer sur un bateau à scolarisation et socialisation régulières.

Je pense à tous ces jeunes qui n’ont pas d’école en mesure de les prendre en charge avec un handicap neurologique. Je pense à ceux qui ont eu une pause des nombreux stimuli avec la pandémie et qui seront bousculés par la rapidité sociale qui reprendra son cours avec le déconfinement. Je pense à ces jeunes qui, par manque d’école spécialisée près de chez eux, devront faire trois heures de transport par jour pour avoir une scolarisation qui répond à leur besoin, qui les accompagne et qui suit leur rythme. Je rêve d’une école spécialisée près de chez nous pour mon garçon et pour tous les jeunes de chez nous qui ont un handicap neurologique invisible (ou presque), imprévisible et méconnu comme le syndrome de Gilles de la Tourette, pour qu’ils puissent s’épanouir.

Dany Fortin



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