Les amis du Port-Joli vous informe (1re partie)
par Journal L'Attisée le 2020-01-08
Les stations de télégraphe optique du chenal du Sud (1809-1844)
Les feux nocturnes
Avant l’arrivée du télégraphe optique, il existait autrefois un système de communication par feux nocturnes entre le Bic (Rimouski) et la Pointe-de-Lévy. La Pointe-de-la-Martinière était un des principaux maillons de la chaîne des feux. Ce moyen rapide de transmettre les nouvelles urgentes nous est connu par les événements de 1759, la Conquête anglaise, et de 1776, l’invasion américaine. Le télégraphe optique de Claude Chappe a été essentiellement utilisé à des fins militaires.1
Avant l’implantation du télégraphe optique en 1809, il y a déjà eu une suite de signaux, étaient-ce des tours à feu? à l’aide desquels on transmet à Québec les nouvelles de ce qui se passe dans le bas du fleuve. Trois sont construits en 1758 : le premier à Saint-André de l’Îlet-du-Portage; le deuxième situé sur une hauteur à Kamouraska et le troisième placé à l’île d’Orléans. Ils sont détruits avant l’arrivée de la flotte de Wolfe. L’historien Gérard Filteau rapporte « Pour transmettre la nouvelle de l’arrivée de l’ennemi, on avait érigé un cordon de bûchers de pointe en pointe, de colline en colline, du Bic jusqu’à la Pointe-Levy. Durell parvint au Bic le 23 mai 1759. La nuit venue, les bûchers s’enflammèrent tour à tour et à minuit le feu de la Pointe-Levy annonçait l’arrivée de l’avant-garde anglaise ».2
Le télégraphe optique (ou aérien)
Il a fallu attendre le XVIIIe siècle (1793) et le génial inventeur Claude Chappe du télégraphe optique pour voir apparaître le premier réseau de transmission de l’information. Le principe du télégraphe optique est simple: les messages sont constitués d’une suite de signaux sémaphoriques lus à l’aide d’une longue-vue et reproduits pour être lus à nouveau. On peut ainsi acheminer rapidement des messages. Ce premier système de transmission de l’information possède déjà les caractéristiques des systèmes modernes : codage et remise en forme. Comme pour les communications numériques, le message sémaphorique est un signal codé qui nécessite l’utilisation de techniques de cryptage et de décryptage. L’atténuation intervient aussi puisque les signaux sémaphoriques ne sont plus visibles au-delà d’une certaine distance, ils doivent être répétés (remis en forme) et c’est le rôle que joue l’amplificateur dans les systèmes modernes. L’usage du télégraphe reste limité, il ne peut fonctionner que le jour et son utilisation est tributaire des conditions atmosphériques ; la pluie ou le brouillard par exemple le rendent inopérant.
En 1809 pour la défense du Canada, le gouverneur James Henry Craig ordonna la mise en place d’un télégraphe aérien reliant l’île Verte à Québec en passant par les îles et les côtes du fleuve du chenal du Sud.3 Les autorités se préparèrent à faire face à une invasion qui arriverait par le Saint-Laurent. James Kempt, le quartier-maître général à Québec, propose un design et un mode de fonctionnement pour les télégraphes optiques devant être installés au Québec.
Le gouvernement fit construire des habitations et des mâts à différents endroits, sur les îles, aux abords du fleuve, et sur des hauteurs, et il engagea des équipes d’observateurs. Ces derniers, à l’aide d’une longue-vue, décodaient les messages et les retransmettaient à l’aide d’un mât en bois. Celui-ci était gréé d’une vergue et d’une corne qui permettaient de hisser des pavillons, des flammes et des boules de couleur selon différentes combinaisons.4
Les stations de télégraphe optique
(Carte : Jean Parent, 2015)
Localisation des télégraphes optiques entre Québec et l’île Verte.
La carte dressée en 1815 par le géographe Joseph Bouchette indique toutes les stations de télégraphe optique séparées par environ 15 km (9,3 milles), quatorze au total soit :
• Citadelle de Québec (N° 1)5;
• Saint-Laurent-de-l’Île-d’Orléans (N° 2);
• Saint-Michel-de-Bellechasse (N° 3);
• Saint-Vallier-de-Bellechasse (N° 4);
• Saint-Thomas de Montmagny (N° 5);
• Vincelot (Cap-Saint-Ignace) (N° 6);
• Saint-Jean-Port-Joli, déménagée à L’Islet en 1831 (N° 7);
• Saint-Roch-des-Aulnais (N° 8);
• Pointe-aux-Orignaux, Rivière-Ouelle (N° 9);
• Saint-Denis-de-Kamouraska (N° 10);
• L’île Brûlée en face de Kamouraska (N° 11);
• Îles du Petit Pèlerin (N° 12);
• Pot à l’Eau-de-Vie (N° 13);
• Phare de l’île Verte (N° 14).
À cause des coûts importants nécessaires au bon fonctionnement de ce système de communication, les télégraphes optiques étaient essentiellement réservés à des fins militaires. Ce système avait été installé peu avant la guerre de 1812 avec les Américains et aurait été maintenu en fonction jusqu’en 1850.
À quoi ressemblent ces télégraphes optiques? Le contrat pour l’érection d’un télégraphe sur l’île à la Corneille (de fait, il sera construit sur l’île Brûlée) passé le 25 février 1809 devant le notaire Thomas Pitt, entre Alexandre Roi, capitaine des milices de la Rivière-Ouelle et Jean-Marie et Charlemagne Chouinard, de Kamouraska.
Positionnement des trois premiers télégraphes optiques en remontant le fleuve sur la carte de Joseph Bouchette en 1815.
- Extrait de http://www.unice.fr/optics/course/Intro_telecom/off_course55pg1316.htm
Extrait de Autour de l’Île, le télégraphe optique à Saint-Laurent (1809-1844), Jean-Claude Dionne, mars 2014, p. 21.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec, greffe du notaire Thomas Pitt, janvier 1809.
Journal The Quebec Gazette/La Gazette de Québec, 18 mai 1809.
Tirée de Description topographique de la province de Bas Canada avec des remarques sur le Haut Canada, Joseph Bouchette, Londres, 1815.
Jean Parent, Les Amis du Port-Joli