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Premiers récits de randonnée et de présence humaine au lac Trois-Saumons
par Journal L'Attisée le 2019-03-14


Endroit de chasse et de pêche

L’Électeur fait de même le 19 janvier 1882 ; on y apprend que Charles Roy, un marchand de cuir de Québec, est allé pêcher au lac. Plusieurs autres journaux anciens tels La Presse, Le Soleil et autres font état d’expéditions similaires. Quant aux villégiateurs, on apprend que l’écrivain Joseph Marmette a séjourné au lac Trois-Saumons en 18811. Il arrivait que certaines excursions tournent au cauchemar et qu’un journaliste exagère quelque peu les faits ; voici une telle histoire racontée dans La Presse du 20 août 19082.

« M. Joseph Dupil se trouve soudain face à face avec un ours énorme au lac des Trois-Saumons. Conservant son sang-froid, il parvient à se rendre à sa tente ; fusil au point, il veut rencontrer son adversaire mais celui-ci disparaît. M. Joseph Dupil, pilote de notre localité, et fils du vieux navigateur québécois, a été, la semaine dernière, le héros d’une aventure assez émouvante.


Mercredi, M. Dupil accompagnait dans une excursion au lac des Trois-Saumons, situé à sept ou huit milles de Saint-Jean, sa mère, sa femme, sa sœur, une dame Lemire de Montréal et son beau-frère.


Dès les premières heures de l’arrivée au campement destiné à recevoir les voyageurs, on prépara les engins de pêche et de chasse afin de pouvoir, le lendemain matin, faire un peu des deux.


Le sommeil des excursionnistes fut cependant quelque peu interrompu par des grognements qui de temps à autre parvenaient aux oreilles des pique-niqueurs. On dormait bien dur tout de même, et dès l’aube, un cor de chasse sonnait le réveil dans le petit campement.


Si nous allions jeter un hameçon, fit remarquer M. Dupil. Sa femme et sa sœur consentirent et le trio se rendit jusqu’à un endroit appelé la « Décharge », suite de petites écluses qui servaient autrefois à alimenter un moulin des environs.


M. Dupil se sépara toutefois du groupe et s’avança plus avant vers le bois, lorsque, ô surprise stupéfiante, il vit à quelques pas devant lui, un ours énorme, qui le fixait avec des regards où jaillissaient des flammes. Notre brave pilote resta figé n’osant crier à ses compagnons afin de ne pas aigrir l’animal qui en deux temps pouvait être sur lui.


Il eut recours à un stratagème que lui suggéra son expérience. Regardant à son tour l’ours d’un regard fixe, M. Dupil recula peu à peu, jusqu’à l’écluse voisine, loin de vingt pieds environ, en criant gare à ses compagnons, retourna précipitamment au campement chercher sa carabine. Il revint ensuite, mieux armé, mais il ne put rejoindre son hôte de tout à l’heure qui, d’un bond et de quelques coups de griffes avait vite fait de mettre en charpie le brave pilote. »


« C’est la première fois, déclarait M. Dupil, que je me suis trouvé aussi près d’un ours dans la forêt. Je suis encore à me demander comment j’ai pu échapper à la voracité de l’animal ».


La plupart des expéditions n’étaient pas aussi excitantes que la précédente et se terminaient généralement par une excellente récolte de truites. Le journal du club de pêche Notre-Dame-de-Bonsecours nous fournit beaucoup de détails quant aux visiteurs et aux prises récoltées. Lors d’une excursion effectuée entre le 5 et le 9 juin 1905, le docteur Norbert Cloutier et ses invités ont pris 406 truites3. Les journaux de l’époque nous rapportent d’autres témoignages similaires4.


« M. Louis Côté est de retour d’une excursion de pêche au lac Trois-Saumons. Il était accompagné de son fils et de M. Decelle. Les habiles pêcheurs ont retiré de l’onde 250 jolies truites. »


Il arrivait que les pêcheurs reviennent bredouilles mais que leurs récits nous fournissent des renseignements inédits comme en fait foi l’article suivant5 :


« Le 9 septembre, M. Napoléon Boucher, orfèvre, accompagné de M. le capt. Joseph Boucher, de M. Olivier Bélanger, messager de la Banque Nationale à Québec et de quelques autres amis de L’Islet, partaient pour une excursion de pêche au lac des Trois-Saumons. Le voyage s’effectua bien agréablement ; une franche gaieté animait tous les esprits.


Après l’installation au camp de M. Napoléon Boucher, situé au nord du lac, on se prépara pour une promenade sur ce beau lac pour… pêcher de la truite, disons-le cependant, mais tout bas, ni ce jour-là ni les suivants, la pêche ne fut miraculeuse. Le gros vent nuisait aux bons efforts paralysant la courageuse volonté de nos bons excursionnistes.


Après avoir dit au revoir pour l’an prochain, au lac et à la truite, on reprit joyeux et content le chemin de la Montagne. 


Il existe certainement des récits abracadabrants de pêche avec des prises démesurées qui se multiplient et s’allongent à chaque fois qu’on les raconte mais ça, les journaux ont préféré le laisser à la tradition orale. Pour ce qui est des anciennes aventures de chasse, il n’en est pratiquement pas question dans les médias sauf pour celles du seigneur Aubert de Gaspé avec son compagnon Romain Chouinard. Lorsque le sujet est abordé, il y a très peu de détails. On peut présumer que la plupart des chasseurs provenaient de la région immédiate et que leurs péripéties n’intéressaient pas les journaux des grandes villes. De plus, revenir en ville avec quelques truites était aussi beaucoup plus simple que de ramener de gros gibiers avec les moyens de transport de l’époque. On sait cependant que le lac était un excellent territoire de chasse et en particulier pour le lièvre et la perdrix6.


Notes

1 Roger LeMoine, Joseph Marmette, sa vie, son œuvre, Québec, PUL, 1968, p. 38.

2 Correspondant régulier, Les aventures qui terrifient, La Presse, 24e année, no 246, Montréal, 20 août 1908, p. 16.

3 Bertrand Miville-Dschênes, Livre premier du journal relatant les excursions des membres du Club Notre Dame de Bonsecours au Lac des Trois Saumons et de leurs amis, 1904-1907, archives personnelles publiées en 1979. Les invités du docteur Norbert Cloutier étaient son épouse, ses parents, son beau-frère le docteur Joseph Cloutier, son cousin Alexandre Adam, son beau-père Louis Terreau et Jean-Baptiste Cloutier de L’Islet.

4 « Faits divers », La Presse, 20e année, no 2014, Montréal, 8 juillet 1904, p. 11.

5 « Excursion au lac des Trois-Saumons », L’Action sociale, 6e année, no 280, Québec, 25 septembre 1913, p. 9. 

6 Philipe Aubert De Gaspé, op. cit. (Mémoires), p. 369 et Marjolaine St-Pierre, Joseph-Elzéar Bernier – Capitaine et coureur des mers, Septentrion, Québec, 2005, p. 336.



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