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Premiers récits de randonnée et de présence humaine au lac Trois-Saumons
par Journal L'Attisée le 2018-12-28

Les récits des premiers habitants de notre région racontent que les Malécites et leurs alliés fréquentaient le lac Trois-Saumons pour ses eaux poissonneuses et la chasse ; ils étaient nomades et leurs campements ne duraient que de très brèves périodes. Il existe peu d’écrits sur la présence humaine au lac Trois-Saumons au dix-septième et au dix-huitième siècles. Lors de la conquête anglaise à l’automne 1759, Philippe Aubert de Gaspé raconte qu’un officier écossais du nom d’Archibald Cameron de Locheill aurait été fait prisonnier par des Abénaquis puis amené sur l’île au centre du lac Trois-Saumons. Il s’agit bien entendu d’un récit romancé qu’il faut prendre avec un grain de sel, mais cette anecdote révèle que l’endroit est connu depuis fort longtemps1. Au lendemain de la chute de la Nouvelle-France, plusieurs résidents de notre région auraient été contraints de se tourner vers le lac Trois-Saumons pour leur subsistance2. Le livre du tricentenaire de Saint-Jean-Port-Joli nous fournit quelques précisions supplémentaires sur cette allégation :


« La chasse et la pêche au lac Trois-Saumons furent leurs seules ressources durant l’hiver 1759 et, au printemps, une manne de tourtes, si nombreuse qu’on les tuait à coup de bâton, vint sauver la colonie de la famine. 3»


Dans ses mémoires, le seigneur Philippe Aubert de Gaspé évoque la légende de Joseph-Marie Aubé qui aurait agonisé dans une vieille cabane au lac Trois-Saumons vers le milieu du dix-huitième siècle. Un amérindien présent dans les parages aurait veillé Joseph-Marie lors de ses derniers instants. Ce dernier l’aurait chargé d’aller rencontrer le curé Hingan4 de L’Islet pour le salut de son âme en raison de tous les malheurs qu’il avait causés5. Quelques années plus tard, un certain Joseph Toussaint périt noyé à proximité de la cabane à Aubé quand la glace céda sous ses pieds ; l’endroit fut dès lors désigné sous l’appellation de l’anse à Toussaint6.


Le 20 août 1801, le jeune seigneur Philippe Aubert de Gaspé effectue une excursion au lac Trois-Saumons avec 9 de ses compagnons (Louis Le Bourdais, Pierre Le Bourdais, Joseph Painchaud, Pascal Taché, Joseph Fortin, James Maguire, Jean-Marie Bélanger, François Verreault et son frère Thomas) et leur guide Laurent Caron.


« Après un second déjeuner, le groupe entreprit la marche dans la forêt en suivant difficilement leur vieux guide aux longues enjambées. Ils parvinrent à la première montagne avec quelques compagnons à l’arrière qui suivaient difficilement le rythme. Quelques instants plus tard, le groupe franchit le second button puis enfin la troisième montagne deux fois plus haute que les deux précédentes. Leurs efforts furent récompensés quand ils purent enfin apercevoir le lac du sommet de la dernière montagne ; il était là à quinze arpents devant eux. Les sentiers de pierres se métamorphosèrent en un tapis de mousse humide d’un vert émeraude. Les épinettes, les sapins et les trembles devenaient de plus en plus clairsemés au fur et à mesure que le groupe avançait vers le sud. La forêt, de sombre qu’elle était, s’éclaircissait à vue d’œil et annonçait une clairière. Nous hâtâmes le pas, et un cri d’admiration s’échappa simultanément de nos poitrines à la vue du lac qui dormait à nos pieds. 7»


En décembre 1825, le seigneur Philipe Aubert de Gaspé réalise une expédition de chasse et de pêche en compagnie d’Amable Charron, Pierre Verreault et Romain Chouinard. Le récit nous apprend que les joyeux lurons ont séjourné dans une cabane de 7 pieds en carré 8; il existait donc, à cette époque, des habitations rudimentaires aux abords du lac Trois-Saumons. Les mémoires du seigneur de Gaspé font état de nombreuses autres randonnées au lac ; il l’a donc visité à plusieurs reprises tout comme bon nombre de ses contemporains et censitaires.


Endroit de chasse et de pêche

En 1863, le conducteur de chemins Stanislas Drapeau traite du lac des Trois-Saumons qui est très renommé à Québec pour la quantité et la qualité de la truite qu’il contient9. Au milieu des années 1860, Arthur Cassegrain confirme, dans La Grand-Tronciade, que10 :


« Pendant l’été grand nombre d’amateurs,

Du plaisir de la pêche, agrément des rêveurs,

Viennent se délasser des travaux de ce monde,

À l’ombre des sapins dormant au bord de l’onde. »


Cassegrain confesse qu’il a lui-même abusé des ressources du lac, mais c’est pour mieux se moquer ensuite des autres pêcheurs qui peuvent s’y rendre plus facilement grâce au chemin de fer. À partir du milieu du dix-neuvième siècle, plusieurs coupures de presse rapportent des excursions de pêche et de villégiature au lac Trois-Saumons. Le journal de Québec nous relate une telle aventure dans son édition du 7 juillet 187211 :


« Un autre train - Le jour même où je remontais, quatre de mes amis revenaient d’une excursion de pêche sur le lac Trois-Saumons. »


Le 2 février 1874, Le Courrier du Canada nous informe que trois pêcheurs ont fait d’excellentes prises au lac12 :


« Monsieur le Rédacteur – Veuillez s’il vous plaît me permettre de demander à MM. Levasseur, St-Michel et Roy, les heureux pêcheurs du lac des Trois-Saumons (Événement, Quot : 26 Janv.) de vouloir bien exhiber à votre bureau, une de leurs truites de 20 pouces ou même de 18 pouces, et de les informer que le soussigné s’oblige sur l’honneur de leur donner, à chacun d’eux une truite de même longueur en or massif. En attendant permettez-moi d’admirer les chiffres 448, 468 et 478. Lac des Trois-Saumons 27 janvier 1874. Pêcheur. »


Suite dans le prochain numéro.


NOTES

1 Philippe Aubert de Gaspé, Les anciens canadiens, Bibliothèque Québécoise, Québec, 2003, p. 217-254.

 Gaston Deschênes, Gérard Ouellet et Angéline St-Pierre, Les grandes dates de l’histoire de Saint-Jean-Port-Joli, informations tirées du site Internet : membres.lycos.fr/enfantsoleil/sj/stjean.htm le 7 août 2008.

3 Comité du tricentenaire de St-Jean-Port-Joli, Saint-Jean-Port-Joli 1677-1977, Imprimerie Fortin ltée, La Pocatière, 1977, p. 77. La citation initiale provient des mémoires de Philippe Aubert de Gaspé.

4Jacques Hingan a été curé de L’Islet entre 1767 et 1779 ; il desservait également la paroisse de Saint-Jean-Port-Joli.

5Philippe Aubert de Gaspé, Mémoires, Bibliothèque Québécoise, Montmagny, 2007, p. 189-198.
6 Ibid, p. 187. L’anse à Toussaint n’existe pas selon la commission de toponymie du Québec, cet endroit correspond maintenant à l’Anse Verreault.

7 Ibid, p. 179-188.

8 Ibid, p. 369-381.

Stanislas Drapeau, « Études sur les développements de la colonisation du Bas-Canada : depuis dix ans (1851-1861) constatant les progrès des défrichements, de l’ouverture des chemins de colonisation et du développement de la population canadienne-française », typographie de Léger Brousseau, Québec, p. 77.

10 Gaston Deschênes, Les voyageurs d’autrefois sur la Côte-du-Sud, Septentrion, Sillery, 2001, p. 125-129.

11 « Voyage et agrément Grand Tronc », Le Journal de Québec, 7 juillet 1872, p. 2.

12 « Correspondance », Le Courrier du Canada, 18e année, no 1, Québec, 2 février 1874, p. 2. Les chiffres mentionnés à la fin de l’article font possiblement référence aux prises respectives de chacun des pêcheurs.


Sylvain Lord



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