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Vivre avec une maladie invisible
par Journal L'Attisée le 2020-07-08

Il n’y a pas de hiérarchie de la souffrance, pas de comparaison dans la gravité ou dans la mesure des émotions qui devraient être suscitées ou non par différentes maladies. Mais qu’on l’admette ou non, certaines maladies sont plus « acceptables socialement » que d’autres (pensons seulement au jugement et à la discrimination à l’égard des premiers malades du SIDA dans les années ‘80) ou plus génératrices d’empathie. Il y a une foule de conditions médicales peu connues, peu comprises et qui sont souffrantes physiquement mais aussi moralement parce qu’elles ne sautent pas aux yeux et parce que parfois on en minimise les effets, allant jusqu’à insinuer que la personne devrait seulement « se secouer », que ça se passe surtout dans sa tête.


On entend beaucoup plus souvent parler ces dernières années de maladies auto-immunes. La sclérose en plaques, le vitiligo (dont souffre l’animatrice Chantal Lacroix), la maladie de Crohn, l’arthrite juvénile en sont quelques exemples. Certaines sont beaucoup moins connues et touchent possiblement quelqu’un de votre entourage. Dans mon cercle rapproché, quatre personnes doivent vivre au jour le jour avec des conditions difficiles et plus ou moins de solutions pour faciliter la vie quotidienne.


D. a reçu un diagnostic de myasthénie grave il y a une douzaine d’année après des années de tests, de rencontres de spécialistes en tous genres et de petits deuils. C’est une maladie auto-immune, neuro-musculaire, impliquant une mauvaise communication entre les nerfs crâniens et les muscles qu’ils traversent. Les expressions du visage, la parole, le mouvement des yeux, la respiration, la mastication sont affectés et des actions aussi simples que parler, respirer, avaler et lire occasionnent une immense fatigue, non seulement des muscles impliqués, mais de l’ensemble du corps. Ne plus pouvoir projeter sa voix est un handicap majeur pour un professeur et devoir pratiquement rester au lit 2 jours entre chaque cours donné conduit tôt ou tard à l’abandon d’un emploi stimulant qu’on a adoré. On pourrait aussi parler des activités sociales, des repas en famille ou entre amis, des activités sportives, des voyages auxquels il faut renoncer… Mais le plus souffrant est peut-être d’entendre des commentaires comme « ça va te faire du bien de bouger », « tu vas gâcher le plaisir de la personne qu’on veut fêter si tu n’es pas présente », « c’est peut-être une dépression ton affaire? » « tu devrais essayer une cure de vitamine x ». Je la cite : « C’est un état de fait que je n’ai pas choisi, que mon entourage n’a pas choisi, mais avec lequel devra composer toute personne qui veut me fréquenter. »


Y., lui, doit vivre avec la polyarthrite rhumatoïde. « C’est une maladie inflammatoire qui peut affecter de nombreuses articulations. Il s’agit d’une maladie auto-immune où le système immunitaire, qui normalement, protégerait le corps contre les infections, s’attaque plutôt à la membrane qui recouvre les articulations » (1). Il faut traiter cette inflammation avant qu’un dommage permanent n’affecte les articulations, entre autres grâce à une médication immunosuppressive puisqu’il y a dysfonctionnement du système immunitaire. Parmi l’arsenal de médicaments, l’hydroxycloroquine, lui a évité la chaise roulante jusqu’à ce jour et permis de continuer à travailler avec une douleur supportable. Mais voilà que la Covid-19 est venue jouer les troubles-fêtes. Pendant quelques semaines, sous prétexte que ce médicament aiderait possiblement à réduire les symptômes inflammatoires causés par le virus SARS-CoV-2 (aucune étude reconnue n’est encore parvenue à prouver cette efficacité), les pharmaciens ne pouvaient plus en donner à leurs patients atteints d’arthrite puisqu’ils ne faisaient pas partie des groupes prioritaires et qu’il fallait satisfaire la demande mondiale accrue pour ce médicament pour faire des études en lien avec la Covid-19. Fort heureusement, Y. a pu recommencer sa médication récemment.

La maladie de Parkinson s’est invitée dans la vie de A. à l’âge de la retraite. C’est une maladie neurodégénérative qui se manifeste principalement par des troubles du mouvement et qui s’explique par la perte de cellules dans une partie du cerveau, cellules qui sont en charge de la production de dopamine (essentielle comme messagère entre les cellules du cerveau impliquées dans le contrôle du mouvement) (2). Les personnes atteintes n’ont pas toutes la même évolution de la maladie ni la même quantité et gravité de symptômes. Après quelques années, la maladie devient moins « invisible », mais les symptômes (comme la perte d’équilibre) peuvent être confondus avec d’autres conditions qui n’attirent pas nécessairement la sympathie. Il y a des « bonnes » journées et des moins bonnes, il y a aussi beaucoup de petits deuils à faire, deuil de la vie active d’avant, de la belle retraite à deux dont on avait rêvé, des jeux avec les petits-enfants, des discussions avec les amis autour d’une bonne bouteille parce que les mots ont tendance à ne plus venir malgré qu’ils soient clairs dans sa tête, etc.


Finalement, R. est atteint de la dystrophie musculaire oculopharyngée. Elle consiste en un affaiblissement et une dégénérescence progressive des muscles volontaires, principalement les muscles des yeux (conduisant principalement à une chute des paupières) et les muscles de la gorge (muscles pharyngés, conduisant à des problèmes de déglutition). (3) C’est une maladie génétique qu’on retrouve fréquemment dans la région de Montmagny-L’Islet. Faire reconnaître cette maladie par le système médical et obtenir une chirurgie est une bataille en soi, surtout quand on te dit que c’est dans ta tête que ça se passe. Pour la plupart des personnes atteintes, elles doivent se rendre régulièrement aux urgences après s’être étouffées avant qu’on reconnaisse que la chirurgie est nécessaire. Très peu de spécialistes pratiquent la myotomie cricopharyngée que R. a subie et qui consiste à sectionner le muscle du même nom pour faciliter le passage de la nourriture. C’est une solution temporaire mais qui redonne une qualité de vie plus qu’appréciable parce qu’être incapable de manger seul ou en compagnie de d’autres personnes, sans risque de s’étouffer, ou manger seulement certains aliments plus liquides en petites quantités au cours de plusieurs petits repas, c’est perdre un des grands plaisirs de la vie.


J’ai une grande admiration pour le courage de ces quatre personnes et, même si c’est un mot un peu galvaudé, pour leur résilience. Je n’ai pas la prétention de savoir ce dont les gens atteints de maladie moins connues et moins apparentes ont le plus besoin mais je parierais sur plus d’écoute et d’empathie, moins de jugement et une meilleure compréhension des difficultés vécues. Et tout ceci passe par plus d’information et d’ouverture à l’autre.


Suzanne Chabot


(1) Extrait du site internet de la Société Arthrite

(2) Extrait du site internet Parkinson Québec

(3) Extrait du site internet Dystrophie musculaire Canada



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