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Je sème à tous mots
par Journal L'Attisée le 2020-05-10

1. Mots de tête


Que de mots notre quotidien supporte-t-il, s’offrant un lexique remué en toutes langues. En ciblant toujours le mot juste, mon texte se propose de vous toucher quelques mots de cette réalité que sont les mots. Sans vouloir jouer sur les mots, je vous écris en deux mots celui qu’initia la plume de mon ami Pierrot.


Il convient d’amorcer le sujet de façon positive en saluant les mots doux et les mots tendres, les mots d’amour pour quiconque en manque, tous ceux que l’on aime entendre, les bons mots et les mots de joie, les jeux de mots et les mots d’esprit ou les mots pour rire, les mots qui apaisent, ceux qui consolent et les mots qui initient les amitiés. Pourraient s’ajouter à cette catégorie de mots tous les mots d’enfant, ces paroles touchantes ou drôles, mots déformés ou inventés par la logique des remarques enfantines.


Ils sont de tous temps et de toutes époques, mots d’hier, passifs, que la mémoire garde enfouis dans ses tiroirs les plus profonds, des mots que rarement l’on utilise et qui se laissent désirer, ces mots qui ne viennent pas ou les mots que l’on a sur le bout de la langue. Quand certains mots passent, d’autres demeurent au point de devenir des mots de passe. Ce sont aussi des mots d’aujourd’hui, des mots nouveaux qu’inventent les réalités nouvelles, ces mots que l’on forge ou que l’on déforme.


Ils sont de tous ordres et de toutes saveurs : mots chantants, expressifs et harmonieux ; mots banals, mots ternes et mots usés ; mots argotiques, familiers, populaires. Ils sont également de toutes longueurs, ne tiennent parfois qu’à une lettre ou revendiquent la quasi-totalité de l’alphabet, mots généralement simples ou mots composés. De l’areu au discours-fleuve, que de mots notre quotidien invite-t-il dans nos communications qui, orales ou écrites, s’abreuvent de temps en temps de mots pour ne rien dire ou de mots qui en disent trop.


Si les mots savent traduire les sentiments, certaines gens seront quelquefois à court de mots, chercheront leurs mots ou resteront sans mots pour les décrire quand d’autres useront d’une avalanche de mots, des mille mots qu’une image aurait pu valoir.


Exceptionnellement, espérons-le cependant, sans prendre le temps de peser ses mots, ce seront des gros mots que l’on s’autorisera, des mots durs, ceux que l’on ne souffre pas, les mots blessants, grossiers, les mots à double sens ou les mots tabous, en un mot, les mots qui choquent, que l’on tait, qui contrarient ou sapent les harmonies.


Et que dire des opinions, points de vue, idées, discussions générées lors de réunions, d’assemblées où chacun a son mot à dire ou devrait placer son mot. Quand, après le mot d’ouverture, certains participants ne parviennent pas à souffler mot, qu’ils n’émettent jamais un mot plus haut que l’autre, qu’ils mangent leurs mots, qu’ils ne trouvent pas les mots pour émettre leur point de vue, d’autres au contraire n’ont pas peur des mots, ne parlent pas à demi-mots ou à mots couverts, ne mâchent pas leurs mots mais, en quelques mots, cherchent alors souvent à avoir le dernier mot.


Utilisés à bon escient, les mots prennent l’importance que le contexte voudra bien leur accorder. Un mot simple peut devenir tantôt le mot magique que l’on inculque à un enfant ou à un apprenant, le mot-clé d’une proposition, le mot d’ordre ou le mot de ralliement auquel répond expressément un groupe.

La magie des mots s’exprimera tantôt encore en les utilisant dans des jeux de mots, de découvertes de mots cachés, de mots mystères, de mots croisés ou entrecroisés de tout acabit, de mots payants qui comptent double ou triple.


On notera de même façon ces mots qui traversent les temps, mots célèbres ou mots magiques, que chaque ethnie accueille en son lexique : le bonjour d’une salutation ou d’un accueil, le merci de la reconnaissance, l’euréka de la découverte, le sésame d’Ali Baba qui ouvre les portes, le mot de Cambronne offert aux prestations de tous ordres, les je t’aime d’intenses sentiments.


Les mots sauront générer diverses actions : le mot du jour pourra saluer ce dernier de son optimisme, le fin mot d’une histoire lui apportera la conclusion, un interlocuteur sera pris au mot en acquiesçant à un défi, consentir à une proposition en ne disant mot. On pourra encore couler ou glisser un mot à l’oreille de comparses, se donner le mot qui confirmera une connivence, se payer de mots plutôt qu’agir mais aussi échanger des mots dans une altercation avec un opposant.


Un souhait se propose à mon dernier mot : qu’il nous soit fréquent de rester sans mot devant une source d’émerveillement, si petite soit-elle, ou d’éviter de rester sans mot pour traduire nos attentes. Au bas mot, permettons-nous d’être pris au mot en espérant s’offrir occasionnellement le mot de la fin.

Serge Picard



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